Bonjour Anton, peux tu nous présenter ton parcours professionnel ?

Vous avez deux heures devant vous ?

A la base, j’ai un diplôme d’Histoire et j’ai bossé dans différents secteurs (culturel, événementiel, communication, journalisme et associatif) tout en gardant un pied dans la BD (scénariste et créateur d’un site BD).

Et, en 2017, j’ai monté ma propre maison d’éditions, Ant Editions.

En mars 2020, j’ai eu un super flair en décidant de me consacrer à 100% à la structure… Juste avant le confinement et très certainement en attrapant le Covid (c’était l’époque où on nous filait du Doliprane, un appel du médecin, pas de test et le décompte macabre quotidien). Bon, mine de rien, ma structure a survécu aux différentes vagues, elle a plus duré que les protocoles de Blanquer !

Qu’est-ce qui t’a motivé à emprunter cette voie? Quelles étaient tes ambitions ?

J’hésitais entre l’argent facile et la galère totale… Bon, j’ai opté pour la BD. Je vous laisse deviner le choix retenu.

Blague à part, quand j’ai monté la structure, je voulais justement changer les mauvaises pratiques du monde du livre, à mon échelle. Je m’étais engagé à rémunérer correctement les autrices et auteurs, à ne pas détruire les ouvrages (la fameuse mise au pilon), à imprimer en France de façon durable… Je suis content, j’y suis arrivé et j’ai même mis en place un programme de reforestation associé aux ouvrages. Plus de 6 800 arbres plantés, c’est pas mal, non ?

Qu’aimes-tu dans ce métier, qui te rend heureux de l’avoir choisi?

Les retours des lectrices et lecteurs. C’est toujours un plaisir de savoir qu’ils ont les livres chez eux et qu’ils les apprécient.

Quelles sont les difficultés que tu rencontres, ou as pu rencontrer, dans ton quotidien? As tu connu des désillusions?

Nous avons Roselyne Bachelot comme ministre de tutelle…

Voilà. Tout est dit.

Le monde du livre est un milieu reposant sur de la surproduction, du gaspillage et une précarité des auteurs. Je pensais que ça aurait été plus facile de changer un peu les choses et d’avoir plus de soutiens…

Malheureusement, quand on débarque, qu’on est un indépendant, il est difficile de convaincre les libraires et d’avoir de simples retours dans la presse.

On a l’impression que tout le monde s’est résigné et qu’on ne peut pas changer les choses, qu’il faut rester sur des mauvaises pratiques.

Et, pour couronner le tout, j’édite, entre autres, des BD sur l’actualité, caricaturant Macron… Pour une simple blague de nom de domaine réalisée en 2019, le parti présidentiel s’est réveillé et souhaite le prendre (il paraît qu’ils ont un candidat, ils nous l’écrivent noir sur blanc…). Sauf, qu’au lieu de rester simplement sur cette histoire de nom de domaine, ils vont même s’attaquer aux caricatures du Président.

Oui, oui, ils sont Charlie mais pas trop…

Que penses-tu qui pourrait être fait pour y remédier ?

J’ai le droit de reparler de Roselyne Bachelot ?

Plus sérieusement, je milite pour un réel statut des artistes-auteurs et une prise en compte réelle des métiers du livre.

Par exemple, il est aberrant qu’on ait en France un tarif postal qui s’appelle Livres et Brochures et qui permet d’envoyer des livres à coût plus réduit… mais uniquement à l’étranger et sans suivi. On paye plus cher pour envoyer un bouquin à 20 kilomètres de là qu’au Japon !

Et, non seulement on paye plus cher mais, en plus, le tarif est clairement prohibitif : le prix de l’affranchissement coûte le tiers ou la moitié du prix du bouquin ! Faut bien le répercuter ensuite, alors, qu’en même temps, on a droit à de belles hausses tarifaires chez les imprimeurs.

En face, on a des géants du numérique qui ont aussi droit à des tarifs ultra compétitifs et qui peuvent mettre les frais de port à 1 centime.

Bref, on pourrait avoir un tarif unique Livre pour les auteurs, les éditeurs, les libraires,… à l’euro symbolique qui mettrait tout le monde sur le même pied d’égalité.

Et, comme annoncé au départ, ce fameux statut pour les auteurs qui leur ouvrirait de réels droits sociaux, les protégerait et éviterait de les faire plonger dans la pauvreté.

Tout cela serait même largement finançable, sans créer des taxes en plus ou des usines à gaz administratives : il suffit juste d’en avoir l’envie et le courage politique.

Développer la lecture dans notre pays permettrait en plus d’ouvrir davantage les consciences, à enrichir la culture générale de chacun, etc.

Quel est ton ressenti actuel concernant ton métier ?

Que je suis un utopiste et qu’on continue à aller dans la mauvaise direction.

Que dirais-tu à l’enfant que tu étais, si tu te trouvais face à lui?

Prends 49% des actions de ces sociétés en création qui s’appellent Google, Microsoft, Facebook, Apple… Tu verras, ça vaudra le coup.

Avec tout cet argent, transforme la société dans le bon sens. Le but n’est pas de l’accumuler mais de changer les choses pour sauver notre planète et lutter contre les inégalités dans le monde.

Au pire, si ça ne marche pas : 1 : 4 – 5 – 15 – 22 – 27 et 9 :voici les numéros gagnants du loto.

Non, je pense plutôt très sérieusement que ça serait un réel traumatisme que de voir son moi du futur et je préfère m’épargner une longue psychanalyse.

Quel message souhaites-tu transmettre à ceux qui te lisent ?

Si vous avez des projets qui vous tiennent à cœur, faites les, même s’il y a des obstacles.

Et lisez des BD surtout ^_^

Un énorme merci à toi Anton! Pour ceux qui souhaitent en savoir davantage sur ton travail, voici le lien vers ta maison d’édition!

www.ant-editions.com

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